Des retards, l'Afrique en a. Et de nombreux. Mais ils ne sauraient occulter les évolutions telluriques qui depuis 2000 raccrochent le continent à une mondialisation dont elle fut longtemps écartée. Et de ce bouleversement ressort un constat : des lignes de force jusqu'alors inconnues dessinent progressivement une nouvelle frontière pour l'investisseur. L'Afrique mue, l'Afrique change et le regard que porte sur elle, certains gérants n'est déjà plus tout à fait le même. L'Afrique s'éveille et elle est désormais partie prenante d'une mondialisation dont elle est peut-être bien le plus rentable futur en bourse.
Si donc l'Afrique est encore perçue par beaucoup comme à la remorque du développement économique (elle ne représente que 3 % du PNB mondial) et que les retards et les maux qui l'affligent nécessiteront quelques décennies pour être intégralement comblés et pansés, certains chiffres invitent d'ores et déjà à la remise à l'heure de quelques pendules. Le continent africain a enregistré une croissance moyenne de 5 % par an depuis 2000, le revenu par habitant y a doublé au cours des sept dernières années et depuis une décennie il n'est plus exclu de la mondialisation. En s'affranchissant de la tutelle commerciale européenne, l'Afrique est même le premier bénéficiaire d'une globalisation trop souvent vilipendée selon Marc Girault, gérant de HMG Globetrotter, fonds actions qui mise sur la croissance émergente au travers d'entreprises européennes ou de leurs filiales : « Jusqu'il y a une dizaine d'années, l'Europe était le premier client des productions africaines. La mondialisation a permis à l'Afrique de revaloriser ses productions de matières premières et d'ouvrir des marchés dans le monde entier ; il s'agit du fameux commerce Sud/Sud qui est une réalité très forte en Afrique avec par exemple des Chinois qui viennent chercher des matières premières en Afrique en échange de la construction de ponts, de routes, ainsi que de voies ferrées. » Et si l'on raisonne non pas en termes de niveau mais de dynamique, l'Afrique dispose de bons fondamentaux économiques, estime le gestionnaire d'HMG Finance qui observe que «la croissance de son PIB est régulière. Son PNB a été multiplié par 2,5 en dix ans. Les déficits budgétaires des Etats africains sont faibles, leur niveau d'endettement maîtrisé, et l'inflation est progressivement contenue. » Un constat que dresse aussi Guillaume Chaloin qui depuis 2010 pilote MAM Actions Afrique, fonds actions investissant en Afrique au travers d'entreprises africaines ou de sociétés internationales y étant fortement exposées.
Le gérant de Meeschaert AM (MAM) souligne en outre que les usages locaux en matière de gouvernance, si souvent raillés, s'améliorent, eux aussi, sensiblement même si beaucoup reste à faire. « Le premier catalyseur de cette amélioration, » estime le gestionnaire d'actifs de Meeschaert AM, « est le développement d'Internet et des télécommunications sur le continent africain. Le citoyen africain n'est plus coupé de l'information. Il est dorénavant beaucoup plus en mesure de comparer les pratiques de son pays avec celles du reste du monde. Son niveau d'exigence à l'encontre de ses dirigeants s'en trouve accru. » La crise financière de 2008 constitue également un catalyseur indirect de l'amélioration de la gouvernance en Afrique. « La crise économique et financière dont peine à se remettre l'Occident incite une partie de la jeunesse africaine formée en Europe à revenir en Afrique car les perspectives économiques n'y sont pas moins bonnes que chez nous, au contraire. Cette élite économique, habituée aux standards occidentaux, vient aussi avec de nouvelles exigences en matière de gouvernance. Et s'il reste beaucoup à faire, la dynamique est là. » Ce que confirme Marc Girault : « En 2011 dix élections ont eu lieu en Afrique, une seule ( en Côte d'ivoire) s'est mal passée. Cela traduit une nette amélioration des processus démocratiques. »
La démographie plaide également en faveur du continent. La population devrait, à en croire les statisticiens, doubler dans les 40 ans qui viennent pour atteindre les 2 Mds d'individus. Mais cette vitalité démographique devrait de surcroît s'accompagner d'une amélioration du niveau de vie, amélioration d'ores et déjà perceptible. Entre 1995 et 2010, le nombre d'Africains sous le seuil de pauvreté a fléchi de 8 % pour s'élever à 293 millions, cependant que ceux vivant au-dessus du seuil de pauvreté ont vu leur nombre croître de près de 80 % en 15 ans pour atteindre 760 millions. Et selon les estimations du FMI et de la Banque mondiale, en 2025 on ne compterait plus que 181 millions d'Africains sous le seuil de pauvreté pour 1,2 milliard au-dessus. Et bien qu'il faille admettre que le niveau de vie de bon nombre d'Africains restera encore pour un temps certain en deçà des canons occidentaux, il importe encore une fois pour les gérants de MAM Actions Afrique et HMG Globetrotter de prendre en considération la dynamique enclenchée , celle de l'émergence d'une classe moyenne, et son corollaire : une marchandisation croissante de l'économie qui coïncide avec une demande accrue de biens et de services -environnement généralement propice et préalable aux grands éveils boursiers.
Opérer en Afrique est de surcroît très rentable en dépit de la faiblesse des revenus de la population. « Il s'agit juste pour les groupes actifs dans la région de mettre en place les offres commerciales adaptées, » insiste Guillaume Chaloin. « Des poids lourds des télécommunications, comme France Telecom en Tunisie, se sont initialement fourvoyés en proposant des forfaits assez comparables à ceux que nous trouvons chez nous, mais une majorité d'Africains compte tenu de leurs revenus limités préfèrent acheter des minutes prépayées et ainsi contrôler leurs dépenses. Assurément, ceux étant parvenus à répondre à leurs attentes gagnent confortablement leur vie. » Au point que dans bien des secteurs d'activité, les taux de marge s'avèrent plus élevés que de ce côté-ci de la Méditerranée.
L'Afrique est en marche, et ni Guillaume Chaloin ni Marc Girault n'hésitent à parler dans le cas africain de « best case scenario », autrement dit de scenario idéal pour l'investisseur au regard des fondamentaux économiques du continent mais aussi... du retard qui est encore le sien dans le processus de globalisation. « L'Afrique n'en est encore qu'au début de son intégration dans la mondialisation. Or les cas du Japon, de l'Asie du Sud-Est et de l'Europe de l'Est démontrent bien que les investisseurs ayant connu les meilleurs retours sur investissement furent ceux s'étant positionnés sur ces zones avant qu'elles ne soient pleinement intégrées dans le commerce mondial,» précise le gérant de MAM Actions Afrique.
Mais attention, l'Afrique qui peut faire rêver les boursiers aujourd'hui n'est pas n'importe laquelle. Chez HMG Finance, Marc Girault en distingue trois bien distinctes : l'Afrique du Nord, qui « est déjà relativement bien intégrée à l'économie mondiale avec des niveaux de PNB par habitant tout à fait corrects » ; l'Afrique du Sud, « avec un PNB par habitant très élevé puisqu'il dépasse les 20.000 dollars et se classe déjà parmi les économies développées » ; et puis « l'extraordinaire réservoir humain en termes de compétences, de démographie mais aussi de matières premières qu'est l'Afrique noire, et c'est cette dernière qui tente et qui attire. »
En dépit de ses atouts, l'Afrique n'a toutefois pas l'heur d'attirer des foules de gestionnaires comme l'atteste la pauvreté de l'offre la concernant. Les fonds la traitant spécifiquement se comptent sont pour être précis au nombre de six dont un tracker de Lyxor et 4 étrangers. (Cf. Palmarès /Actions Régionales/Actions Afriques sur Sicavonline). D'autres fonds lui sont exposés de manière plus partielle, tel HMG Globetrotter. Mais c'est à l'investisseur de s'enquérir de la ventilation géographique du portefeuille de ces derniers. Un travail de fourmi, plus chronophage que compliqué, mais indubitablement astreignant. L'autre solution consiste à acheter directement des sociétés africaines (sociétés minières, pétrolières, d'agro-alimentaire ou télécoms) mais le défaut d'une telle méthode est bien sûr de concentrer le risque au travers des titres sur quelques secteurs et quelques pays. Quelle que soit la méthode retenue et bien que le retour sur investissement ne soit jamais acquis, faire abstraction de l'Afrique alors qu'elle offre un profil similaire à celui d'autres zones émergentes avant que leur décollage ne soit patent n'est cependant plus la chose à faire. L'Afrique doit plus que jamais faire partie intégrante d'un portefeuille.
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