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Marc Touati : "il n'y a plus de pilote dans l'avion"

23/01/2019 - 14:37 - Sicavonline


Marc Touati : 'il n'y a plus de pilote dans l'avion'

Marc Touati, président du cabinet ACDEFI, s'il refuse d'être qualifié de Cassandre et affirme croire encore à une issue positive, ne peut s'empêcher de redouter, si rien ne change, un éclatement de la bulle obligataire et les fâcheuses répercussions qui en découleront. Particulièrement exposée, la France doit, dit-il, agir rapidement pour éviter le pire. Dans ce contexte, l'économiste lance une nouvelle fois un appel à la vigilance adressé aux épargnants et suggère aux autorités d'agir avant que la situation économique ne dégénère et devienne incontrôlable.

Sicavonline : Marc Touati, dans l'un de vos ouvrages, Un Monde de Bulles, vous insistiez sur la formation et l'existence de plusieurs bulles : une bulle boursière, une bulle des crypto monnaies ou encore une bulle obligataire. On peut considérer qu'un certain nombre de ces bulles ont éclaté en 2018. En tous cas, la bulle des crypto monnaie et la bulle boursière l'ont fait, au moins partiellement. Une bulle demeure cependant intacte : la bulle obligataire, dont vous prophétisez l'éclatement depuis un certain temps.

Marc Touati : La bulle obligataire est tenace. Elle est entretenue par une dette publique qui ne cesse d'augmenter. En France, cela fait plus de dix ans maintenant que, chaque année, hormis en 2017, on s'endette juste pour payer les intérêts de la dette. La spirale de l'endettement ne cesse pas. Le deuxième aspect de la bulle obligataire est le fait que malgré l'explosion de la dette publique les taux d'intérêt restent bas. L'endettement croissant de la France aurait dû générer une hausse des taux d'intérêt. Les taux longs de la France se maintiennent à des niveaux extrêmement bas autour de 0,7 %, un niveau extrêmement bas au regard d'une dette publique qui atteint 100 % du PIB.

Les taux bas s'expliquent. Les achats d'obligations par la Banque centrale européenne font baisser les taux. Dans le même temps, les assureurs et les investisseurs institutionnels sont eux-mêmes incités à acheter des obligations d'État, ce qui pèse également sur les taux.

Vous avez tout dit. Comme je l'ai souvent évoqué, notamment dans mon livre (NDLR : Un Monde de Bulles), nous sommes en capacité d'expliquer les bulles, on sait d'où elles proviennent. La Banque centrale européenne (BCE) a utilisé à plein la planche à billets. (NDLR : la BCE a créé de la monnaie afin de procéder à des achats de dette souveraine, dans le dessin de financer les États qui avaient nettement accru leurs déficits et leur endettement pour sauver les banques). De leur côté, les banques, ne pouvant pas prendre trop de risques, du fait de la nécessité de respecter des ratios de solvabilité, ont acheté de la dette publique.
En 2019, la BCE met un terme à tout cela. Elle arrête de faire tourner la planche à billets. Je note au demeurant que si aux Etats-Unis, l'injection de liquidité de la FED a permis de soutenir la croissance, à 3 % ou 4 % par an selon les années, en France, la croissance atteint péniblement 0,8 % par an depuis dix ans. La planche à billets n'a, soyons honnête, pas suffi à alimenter l'économie. Elle a principalement nourri les bulles, en particulier obligataire.

Pourquoi cette différence d'incidence entre l'assouplissement quantitatif de la Fed et celui de la BCE ?

Elle provient de la rigidité de l'économie, notamment en France. Malgré la quantité de monnaie distribuée, environ 3.000 milliards d'euros, la croissance n'a pas décollé. Les injections de liquidités ont surtout alimenté les bulles, en particulier obligataire. La question est maintenant de savoir quand cette bulle va éclater ? Autrement dit, est-ce que les taux d'intérêt à long terme vont augmenter ? Pour cela, il est nécessaire de comprendre comment se construisent les taux d'intérêt des obligations d'État, ce que l'on appelle les taux longs. Les taux longs sont formés des taux courts auxquels s'ajoutent des primes de risque. Le taux court est le taux directeur décrété par la Banque centrale européenne. Ce taux court devrait en l'occurrence rester stable à 0 %, en raison de la faiblesse d'une croissance qui devrait au mieux autour de 1,2 % en zone euro. La variation des taux longs proviendra par conséquent des primes de risque. La première prime de risque est liée à l'inflation. Elle augmente si l'inflation menace. En tout état de cause, la prime de risque « inflation » ne va pas dégénérer, elle restera limitée, puisque la croissance restant faible, les tensions inflationnistes seront normalement réduites.
Par contre, la capacité de l'Etat français à réduire la dette publique devrait entraîner une prime de risque importante. Pour l'instant, on ne la voit pas, on la masque. Mais regardez ce qui s'est passé en Italie après l'arrivée d'un gouvernement extrémiste. En quelques mois, les taux à 10 ans italiens sont passés de 1,5 % à 2,75 %, ils ont même grimpé brièvement jusqu'à 3,6 ! %   Il faut impérativement garder à l'esprit que l'augmentation de taux longs casse la croissance, et alors, le déficit se creuse entrainant une hausse de la dette et des taux.

Il devient dans ces circonstances encore plus difficile de rembourser.

Effectivement, il s'agit d'un cercle pernicieux extrêmement dangereux. Pour l'instant, en France, on ne s'inquiète pas. On regarde ce qui se passe chez notre voisin italien sans se rendre compte que la France est également menacée.
On sait très bien qu'en 2019 le déficit public français va dépasser les 3,2 %. Selon moi, il sera même à 3,7% du PIB. On avance que c'est pour faire plaisir à Bruxelles. Pas du tout. La réduction du déficit ou de la dette, ce n'est pas pour Bruxelles que nous devons le faire, c'est pour nos enfants, pour nous. A la fin, il faudra bien que quelqu'un règle la note. Nous devons la payer aujourd'hui et ne pas transmettre le problème aux générations futures. Le danger est le ralentissement attendu de la croissance car le déficit s'accroîtra et dans ces circonstances la prime de risque sur les taux longs pourrait augmenter. Je vous rappelle que lorsque la Grèce était à deux doigts de quitter la Zone euro, le taux 10 ans grec était proche de 40 %.

Est-ce que pour vous la principale préoccupation ne concerne pas le maintien de la crédibilité la France en tant que débiteur solvable ?

On l'est toujours quand même heureusement.

En effet, la France jouit d'un grand crédit sur les marchés obligataires grâce à sa capacité à lever de l'impôt très facilement. Mais quand on observe le mouvement social des Gilets Jaunes qui agite le pays depuis des semaines, on ne peut s'empêcher de penser qu'on assiste précisément à une remise en question de la capacité de l'Etat à lever facilement de l'impôt. Dans ces conditions, la pression fiscale en France atteint-elle un point de non-retour et, ce faisant, notre crédibilité de débiteur solvable s'en trouve-t-elle entamée ?

"On ne tond pas un œuf", c'est exactement ça. Je l'avais d'ailleurs dit à Emmanuel Macron et, malheureusement, il ne m'a pas écouté. Je lui avais dit qu'augmenter la CSG était une erreur. Il l'a quand même fait et cela a été une catastrophe. Pour quelle raison ? Parce que la France est le pays dans lequel la pression fiscale est la plus élevée du monde développé. Nous avons réussi en la matière à détrôner le Danemark.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que le niveau élevé de l'imposition entraîne une baisse de croissance et à terme réduit la base d'imposition. En conséquence de quoi, les recettes fiscales baissent. C'est exactement ce qui s'est produit.  Ce qui a fait déborder le vase des gilets jaunes est l'annonce d'une nouvelle taxe, l'automne dernier, sur les produits pétroliers. La France cumule une forte pression fiscale et des dépenses publiques élevées, ce qui a un impact négatif sur la croissance qui reste très molle, très faible. Le seul moyen de nous en sortir est de baisser massivement les impôts, sinon je pense qu'un point de non-retour a été atteint. La capacité de la France à lever de l'impôt est  désormais réduite. J'espère que nous n'atteindrons pas l'étape de la délinquance fiscale avec de plus en plus d'impayés fiscaux.

Marc Touati, on peut jouer à se faire peur, mais on a tout de même un acheteur en dernier ressort, la BCE.

Bien sûr.

Est-ce que la BCE ne peut pas, comme elle l'a déjà fait, jouer les pompiers de service, acheter du temps et nous préserver du krach obligataire ?

Cela aussi nous rappelle qu'il est heureux que la zone euro soit là. Elle n'est pas parfaite, c'est sûr. Elle a commis beaucoup d'erreurs, l'absence de croissance forte en est la preuve, mais si la zone euro n'existait pas, je peux vous dire que les taux d'intérêts français ne seraient pas à 0,7 %. Sans le soutien de la BCE, le taux d'intérêt à 10 ans de la France se situerait selon moi aux alentours de 2,5 % minimum.

Mais certains vous rétorqueraient que sans la zone euro et le carcan de la monnaie unique, on aurait pu faire de la dévaluation compétitive et que nous n'en serions peut-être pas là.

Oui, mais pas forcément. Parce que globalement, encore une fois, c'est une condition nécessaire mais pas suffisante pour obtenir de la croissance. Face à une économie ultra-rigide, comme c'est le cas depuis des années, pas sûr que la [dévaluation compétitive] suffise. Par le passé, on a dévalué à plusieurs reprises sans succès. Encore une fois, j'étais le premier à critiquer la politique de la zone euro, que je ne jugeais pas assez tournée vers la croissance. La zone euro n'est ni la panacée ni le paradis. Cependant, il faut comprendre que si elle n'était pas là, les taux d'intérêt seraient beaucoup plus élevés. D'ailleurs, peut-être que c'est ce qui va arriver et que cela permettra de comprendre que les taux d'intérêt très bas entrainent, ce qu'on appelle, un aléa moral. Ces dernières années à force de rencontrer les politiques, j'ai pris conscience qu'ils ne prenaient pas au sérieux le problème de la dette. A mon sens, c'est une erreur. J'en viens à me dire que peut-être que si les taux d'intérêt n'étaient pas artificiellement maintenus à un niveau très bas, les politiques prendraient peut-être les mesures adéquates. Pour autant, je ne suis pas favorable à la mise en place d'une politique de rigueur. Je dis même, au contraire, qu'un grand choc fiscal est nécessaire. Il faut baisser massivement les impôts pour tous. Les entreprises et les ménages doivent être concernés par ces diminutions. Il est également impératif d'accompagner ces réductions d'une refonte complète de la fiscalité française, qui est certainement la plus complexe au monde. Il faut impérativement la simplifier. Peut-être qu'à cette condition, nous pourrons générer un électrochoc positif. Autrement, je ne vois pas comment nous allons nous en sortir.
VB: On évoque depuis le début de cet entretien le risque d'éclatement de la bulle obligataire, à quel pourcentage l'évaluez-vous ?
MT : J'estime le risque à 60%. C'est assez élevé, je le reconnais. Il faut bien que la morphine s'arrête tôt ou tard et que l'on se confronte à la réalité. Ce déni de réalité ne peut pas éternellement durer.

Suggérez-vous que la France puisse être le cygne noir des marchés ?

Je n'irai pas jusque-là. Cependant, sur les marchés, on craint toujours le big one, c'est-à-dire ce l'évènement qui ferait exploser le système. En 2008, cela aurait pu être la faillite de Lehman Brothers. On a finalement pu relancer la machine, on en avait les moyens.
Mais si aujourd'hui, l'Etat français se retrouve en mauvaise posture, de quelles marges de manœuvre disposerons-nous ? Les taux sont déjà à zéro, les déficits publics importants, la dette publique tout aussi énorme, et la planche à billets a déjà tourné à plein régime. Comment allons-nous faire ? En plus, il n'y a pas de pilote dans l'avion, en 2008 on avait des pilotes, aujourd'hui, on ne sait pas.

Dans ce contexte, que faire de son épargne ? On la dépense afin de profiter de la vie ?

Oui, toujours et encore. Il faut aussi se délester complètement des obligations d'État à cause de la remontée des taux, sauf si vous avez une vision à long terme.
A terme, on peut aller sur les marchés boursiers à condition de se plier au jeu des allers-retours. On peut aussi avoir un peu d'immobilier, une pincée d'or également, mais il faut diversifier ses placements et surtout je dirais, je sais que cela avait fait beaucoup de bruit, ici même, il y a quelques années, qu'il ne faut pas laisser trop d'argent sur ses comptes à vue dans les banques.
Il faut éventuellement détenir plusieurs comptes. Avoir de l'assurance-vie, qui, elle, ne sera pas concernée par une éventuelle confiscation de l'épargne.
La confiscation de l'épargne est toujours une épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes. Schématiquement, au-delà d'un certain seuil (NDLR : 100 000 € selon une ordonnance de 2015), les États pourront du jour au lendemain, s'ils le souhaitent, ponctionner dans les comptes des particuliers voire des entreprises.
J'espère vraiment que la France va s'en sortir et que nous allons retrouver de la sérénité et du bon sens, sinon, malheureusement, il y a une forte probabilité que ce krach obligataire se produise, sans que nous ayons d'armes à disposition pour défendre notre économie.
En 2008, souvenez-vous, j'étais l'un des rares à dire que l'économie allait redémarrer. A la différence d'aujourd'hui, la France disposait de solutions pour relancer la machine. Ces moyens ont disparu. Tout cela est assez inquiétant, mais je veux rester optimiste. J'espère que nous allons nous en sortir. Cela dit, peut-être qu'un petit krach obligataire ne ferait pas de mal, en cela qu'il nous aiderait à réagir en conséquence et à faire comprendre la nécessité de moderniser l'économie française.

Retrouvez l'interview de Marc Touati en cliquant sur la vidéo ci-dessous :

Le scénario du pire peut-il se produire et surtout peut-on encore l'éviter ?

 

 

 

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