(AOF / Funds) - Un marteau peut être utilisé pour enfoncer des clous - ou pour détruire une jolie pièce de porcelaine chinoise. Ce n'est pas l'instrument en tant que tel, mais la façon dont on l'utilise qui importe. Il s'agit là d'un grand classique de la défense des promoteurs de l'innovation financière. L'argument est juste, mais trop facile. Prenons le cas des CDS - ces instruments d'assurance contre un défaut - qui ont suscité tant de débats récemment, surtout les CDS utilisés à découvert - c'est-à-dire sans position sous-jacente. En théorie, la logique de ces produits est imparable : l'assuré paie une prime à l'assureur, qui vend de la protection. Ainsi conçu, ce montage permet de séparer le financement - le funding - de l'évaluation du risque. Ce découpage de la chaîne de valeur permet un processus de fixation des prix plus transparent et mieux approprié. Les risques sont ainsi pris en charge par ceux qui sont le mieux à même de les porter et les coûts de financement s'en trouvent réduits. L'allocation du capital est quant à elle optimisée. Tout va pour le mieux dans le monde merveilleux des marchés financiers ! Néanmoins, ces instruments de couvertures sont de plus en plus souvent dans la ligne de mire des régulateurs. Il est vrai que les sommes gigantesques qui sont traitées, en toute opacité qui plus est, sur ces marchés de gré à gré ont de quoi fasciner. A l'été 2008, selon les chiffres de la BRI, l'encours notionnel des CDS représentait 60 billions de dollars - avant compensation (netting). En revanche, la valeur de marché de ces produits était à peine supérieure à 3 billions de dollars, soit environ un vingtième seulement de l'encours notionnel. Ce gonflement des chiffres bruts - qui ne reflètent pas les risques encourus (l'exposure) - est la conséquence quasi physique des coûts de transactions très bas sur ces produits et en conséquence des réallocations permanentes des intervenants sur ces marchés (le fameux phénomène de la patate chaude). A partir du moment où les infrastructures ne sont pas performantes - et elles ne l'étaient pas (il y avait un volume énorme de positions non confirmées) - ces volumes gigantesques risquent de poser un grave risque systémique en cas de problème. D'où les efforts des autorités avant la crise de réduire les transactions non confirmées - qui n'ont rencontré au sein de l'industrie qu'un soutien assez faible. Durant l'été 2008, en réaction aux circonstances difficiles, les volumes bruts ont substantiellement chuté, passant en dessous de 40 billions de dollars, par le biais mécanique du netting (ou de la compensation), sans apparemment aucun effet économique négatif. En même temps, les valeurs de marché de ces positions ont presque doublé à un peu moins de 6 billions de dollars. Ce qui est logique : les bénéfices des opérations de couvertures pour ceux qui étaient déjà assurés ont augmenté en raison du contexte d'incertitude. D'où la proposition des régulateurs, améliorer la transparence par voie de standardisation et par une plus grande utilisation, notamment, des chambres de compensations (central clearing counterparties, CCP). Ces chambres réduisent les risques de contrepartie - en exigeant du collatéral ainsi qu'en évaluant ces positions en continu (marked to market). A cause de la compensation inhérente au CCP, le phénomène de patate chaude ne peut pas se produire. Le risque opérationnel est mieux contrôlé. S'ils sont efficients d'un point de vue technique, ces marchés le sont-ils pour autant d'un point de vue fondamental ? Moins les marchés sont liquides, plus la transformation des risques de crédit de long terme en risque de marché de court terme devient difficile. De ce fait, le gap entre le prix du risque fondamental (l'évaluation de risque de signature) et le prix de marché (la prime CDS) peut facilement se creuser. Avec comme corollaire de la hausse des spreads une hausse du coût de financement de l'économie réelle. En vue des dégâts sociaux de la crise - à commencer par l'énorme accroissement des dettes publiques - il est compréhensible que les régulateurs soient devenus plus conservateurs. De plus, l'efficience en matière de gestion des risques de beaucoup de ces innovations financières reste à prouver. Au minimum, il faut moins d'opacité, plus de transparence, plus de capacité à absorber des pertes et d'avantage de structures d'échanges solides. Quand ce sera le cas, le volume des transactions baissera, et avec lui celui des commissions bancaires. Mais pas forcément le niveau des risques couvert. Une chose est sûre : l'aversion contre la mutualisation des risques et la préférence pour la stabilité ont augmenté dans les sphères publiques. Beaucoup trop de porcelaine chinoise cassée ! Par Hans-Helmut Kotz, Université de Fribourg
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. La valeur de l'investissement peut varier à la hausse comme à la baisse.
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