(AOF / Funds) - "Depuis 2003, la consommation dans le monde émergent a connu une croissance trois fois plus rapide que celle du monde développé. Au cours de la décennie à venir, la consommation dans les pays émergents va constituer un enjeu majeur. Au-delà de la croissance, l'aspect le plus déterminant pour l'investisseur est celui des parts de marché. Les entreprises devront réussir à s'imposer sur un marché plus vaste mais aussi plus ouvert et plus concurrentiel", note Edmond de Rothschild AM. "L'automobile est un des meilleurs exemples : la croissance du marché mondial est estimée à 7% par an au cours des trois prochaines années et aucun des grands acteurs ne peut en être absent. Avec une faible contribution des Etats-Unis (qui restent le second marché), c'est surtout celle des pays émergents qui va compter. Avec 13 millions d'unités cette année, la Chine représente le premier marché et un de ceux qui connaissent la meilleure progression, mais les enjeux sont mondiaux." "Le poids des investissements va rester élevé (les besoins sont immenses) et le modèle de croissance des économies émergentes n'est pas à la veille d'un bouleversement, mais son rééquilibrage s'amorce. En agrégé, la part de la consommation n'atteindra pas avant longtemps le niveau qu'elle représente dans le PIB des pays développés, mais ceci ne l'empêchera pas de jouer un rôle grandissant en parallèle avec la croissance du revenu des ménages." "Jusqu'à une période récente, l'investissement a constitué le premier moteur de la croissance des pays émergents, la consommation jouant un rôle d'appoint. Le phénomène correspond à un schéma classique où l'épargne locale et les capitaux étrangers financent la mise en place du cadre de la croissance, la création des structures industrielles de base et de première transformation. La combinaison de ces deux sources de capitaux a aussi financé, en particulier en Asie, les moyens de production permettant de faire de l'exportation un remarquable accélérateur de la croissance." "Tirant parti d'une structure de coûts exceptionnellement compétitive, ces pays, Chine en tête, ont conquis en vingt ans d'enviables positions exportatrices. Cette première étape se prolonge et l'investissement va garder un poids important à la fois dans le PIB (46% actuellement en Chine) et dans la croissance. Toutefois, sa contribution grandissante est appelée à baisser et la consommation va désormais peser davantage, s'affirmant comme un complément majeur de la croissance. Ce rééquilibrage est un des objectifs du nouveau plan quinquennal chinois (2011-2015)." "La situation est variable selon les pays : dans certains la consommation représente déjà entre 60 et 70% du PIB, tandis que d'autres (l'Inde en particulier) vont demeurer dans la phase initiale du développement. La première phase a donné lieu à l'apparition d'une classe moyenne en forte expansion, bénéficiant des créations d'emplois dues à la première période de décollage industriel et de la hausse progressive des qualifications. Ainsi, s'est consolidée une hausse du niveau de vie qui, en retour, a soutenu l'expansion de la demande interne. Ce processus lui-même justifie de nouveaux investissements industriels, mais aussi de nouvelles dépenses en équipements sociaux (éducation, santé) et en infrastructures (télécommunications, transports), le plus souvent liés à une urbanisation croissante." "Quelques chiffres élémentaires sont indispensables : à eux seuls, la Chine, l'Inde, le Brésil et la Russie représentent un peu plus de 2,8 milliards de personnes, mais surtout une dynamique sociale exceptionnelle (Russie mise à part). La constitution rapide d'une classe moyenne urbaine au pouvoir d'achat en progression rapide, même s'il est encore faible, est l'élément primordial de cette dynamique. Le phénomène n'est pas nouveau mais il atteint une masse critique dans l'économie mondiale, puisque plusieurs centaines de millions de personnes sont concernées. De plus, il ne se limite pas aux BRIC déjà cités et, outre l'Asie et l'Amérique du Sud, il s'étend désormais à un moindre degré à des zones comme l'Afrique." "Il s'inscrit dans le prolongement d'une émergence qui remonte à au moins deux décennies, mais c'est d'une inflexion et d'un véritable changement d'échelle qu'il s'agit. Le terme de classe moyenne masque une grande hétérogénéité. Les statistiques utilisées (revenu par tête) n'ont au mieux qu'un sens très général, surtout dans des pays au développement très inégal entre régions et entre zones urbaines et zones rurales. Une croissance rapide se traduit par le développement à l'intérieur des classes moyennes de segments très différenciés en termes de revenus. Le segment supérieur des classes moyennes (la Chine ou le Brésil en sont d'excellents exemples) dispose d'un revenu moyen comparable, voire supérieur à celui d'un pays développé." "Le revenu par tête en Chine est de 3.600 dollars environ, mais le revenu par tête de la région de Shanghai est nettement plus élevé et les comportements d'épargne ne sont plus les mêmes. La consommation ne correspond plus alors aux seuls produits de consommation classiques, mais elle bénéficie aux industries du luxe des pays développés. Le nombre de boutiques Louis Vuitton ou Gucci en Chine a ainsi été multiplié dans les grandes villes pour satisfaire une demande élevée et les ventes de Mercedes et de BMW en Chine ont fortement progressé. Elles sont un élément essentiel de la transformation du profil de croissance des pays émergents." "Il n'est plus une grande entreprise qui n'ait une présence dans ces pays, en attendant une forte contribution à leur croissance globale. Par exemple, 37% du chiffre d'affaires de Procter & Gamble provient des pays émergents, toutes zones confondues, alors que les Etats-Unis représentent 42% des ventes. Leur degré d'implication varie, mais toutes ont des projets de renforcement rapide de leur présence, soit par croissance interne (programme de nouvelles implantations de Michelin en Inde et au Brésil), soit par croissance externe (achat récent par Electrolux du groupe égyptien d'électroménager Olympic Group)." "La liste ne se limite plus aux seules entreprises occidentales ou japonaises et la concurrence s'est élargie aux entreprises originaires de Corée, de Taïwan ou du Brésil. Elles disposent d'atouts majeurs : moyens financiers, savoir-faire technique et industriel, capacité de développer des produits élaborés, notoriété de marques mondiales et souvent absence de concurrent local. Si les grands groupes alimentaires (Kraft, Unilever, Danone, InBev, Ajinomoto) ont depuis longtemps développé une stratégie couvrant le marché mondial, celle-ci a été souvent accentuée au cours des dernières années en direction des pays émergents. Des secteurs comme ceux de l'hygiène et des cosmétiques, des détergents ont suivi la même voie et ils ont été rejoints par celui de la distribution (Tesco, Wal-Mart)." "Les grandes entreprises ont leurs limites et les acteurs locaux présentent l'avantage d'une meilleure connaissance de leur marché, de parts de marché dominantes pour certains et d'une identité perçue comme locale. Ces acteurs disposent aussi de longue date de réseaux commerciaux très développés. En revanche, ils ont souvent du mal à dupliquer leur modèle dans d'autres pays (malgré de brillantes réussites telles que TV Globo pour les médias brésiliens) s'ils n'ont pas une tradition industrielle bien établie et une stratégie méthodique de développement à l'étranger, ce que les Coréens (Samsung, LG Electronics) ont réussi. L'expansion au-delà du monde développé n'est pas l'apanage des grands groupes et nombre d'entreprises moyennes trouvent dans les pays émergents un relais de croissance de leurs activités." "Au fur et à mesure du développement, leurs besoins dans des niches sectorielles permettent à ces entreprises moyennes d'élargir leur base d'expansion. Longtemps, les entreprises locales ont bénéficié de protections (administratives ou tarifaires) contre les produits étrangers et ont pu se développer sur leur propre marché, souvent avec l'aide de leur gouvernement. Les producteurs étrangers eux-mêmes n'étaient acceptés qu'à la condition de créer des emplois, opérer des transferts de technologie ou contribuer aux exportations. Le Brésil et le Mexique, Singapour et la Thaïlande, la Chine enfin sont parmi les premiers exemples d'une telle approche. Toutefois, des secteurs comme celui des banques ou de l'assurance continuent souvent à bénéficier de régimes de protection et ne se sont ouverts à la concurrence étrangère qu'avec beaucoup de précautions." "Après leur croissance récente, la taille de certaines économies a porté beaucoup d'acteurs locaux (Haier en Chine) parmi les premiers mondiaux de leurs secteurs. Dans quelques cas, des acteurs locaux ont pu acquérir un rang mondial de premier plan, comme certains fabricants d'électronique taïwanais (Acer, Asus, HTC) ou des constructeurs automobiles comme les coréens Hyundai et Kia. Toutefois, beaucoup d'acteurs locaux restent de taille limitée, sur des marchés fragmentés, ce qui les pousse à accélérer leur croissance par des opérations d'acquisition." "Le modèle général est celui de la globalisation et la notion de marque est centrale. Les entreprises internationales présentent l'avantage de produire et de vendre sur place en bénéficiant des coûts locaux mais aussi d'une marque renommée, à condition d'avoir su réaliser les indispensables ajustements aux exigences, aux moyens financiers et aux goûts de la demande locale. Une Volkswagen vendue en Chine n'est pas équipée comme le véhicule qui est produit à Wolfsburg, mais elle n'en est pas moins rentable. Bien adaptées par nature à leur environnement, les entreprises locales sont en revanche moins bien armées pour poursuivre une politique de marque sur les marchés extérieurs." "Géographiquement, les stratégies se jouent sur des terrains très divers : Inde et Chine occupent par leur taille le premier rang en termes de potentiel, mais les autres zones ne sont pas à négliger. La pénétration du marché local varie d'un pays à l'autre, selon leur stade de développement, leur mode d'organisation et selon leurs ressources (pays exportateurs ou non de matières premières, par exemple). Le cadre réglementaire peut rendre difficile le développement d'une présence lorsque des administrations souvent bureaucratiques, voire des Etats partisans d'une planification rigide, ont organisé avec méthode les bases du succès de leurs économies, quelquefois à l'abri de taux de change ultra-compétitifs et de réglementations protectionnistes. Dans ce registre, l'Inde comme la Chine sont des marchés difficiles où seule une stratégie à long terme peut réussir et où les succès ne sont pas si fréquents." "Quoi qu'il en soit aujourd'hui, l'existence d'une institution telle que l'Organisation mondiale du commerce entraîne une accélération de l'ouverture des marchés. Si les marchés agricoles font encore figure d'exception (le cycle de Doha ne progresse pas), les produits manufacturés sont dans une situation très différente. Les accords de libre-échange se sont multipliés dans le monde émergent (Chine-Taïwan) mais aussi entre des pays développés et un pays émergent, ainsi la signature toute récente d'un accord entre la Communauté européenne et la Corée qui libéralise (s'il est ratifié) plus de 90% des échanges et réduit les droits de douane sur une liste de produits." "Partant d'une consommation dominée d'abord par l'alimentation puis par l'équipement de la maison, l'électroménager, les pays émergents font l'expérience d'une économie où la gamme des dépenses des ménages s'élargit. Les taux de pénétration actuels étant encore très bas (30 voitures pour 1.000 habitants en Chine), le potentiel d'équipement est considérable. Au cours de la prochaine décennie, la baisse des prix relatifs au revenu p
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